Voilà un beau projet que celui-là !
Le sujet, « la laïcité », est souvent source de débats, d’échanges vifs, voire nauséabonds, et de polémiques en tous genres.
Avec nos partenaires, nous avons choisi de porter cette question auprès de collégiens et lycéens de Mulhouse et d’Illzach. La démarche a pris ! L’aventure s’est enclenchée : des rencontres, des découvertes, des réflexions et cogitations ont permis aux élèves d’aller à la découverte de différents lieux de cultes, de s’approprier le cadre légal, d’évoluer sur leur conception de la laïcité et du vivre ensemble.
« La laïcité, c’est pouvoir être celui que je suis ! » Une belle définition de la part d’un lycéen ayant participé au projet.
Cette année, le projet sera reconduit avec l’envie d’aller encore plus loin, encore plus près de l’Autre dans son altérité et dans toutes nos ressemblances.
Véronique VOGEL
Directrice du Directrice du Dispositif d’Accompagnement des Victimes et des Auteurs d’infractions pénales
Éducation Mulhouse : les enseignements de la semaine de la laïcité
Les différents acteurs de la semaine de sensibilisation à la laïcité destinée à des lycéens et collégiens en décembre dernier se sont retrouvés récemment dans une salle du tribunal judiciaire pour tirer les enseignements de cette première expérience, voulue par la procureure Edwige Roux-Morizot.
Genèse
« Fin 2020, j’ai chargé Mélodie Jamet (assistante spécialisée en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation auprès du tribunal judiciaire de Mulhouse) de chercher des moyens de lutte contre les différents séparatismes, communautarisme et ses dérives, je lui ai laissé carte blanche », rappelle Edwige Roux-Morizot, procureure de la République au TJ de Mulhouse. Le projet a été porté par l’association Appuis de Mulhouse et notamment, Virginie Meister, psychologue et coordinatrice du programme judiciaire de prévention des dérives radicales. Il a impliqué de nombreux partenaires institutionnels.
Public visé
Cinq classes (85 élèves accompagnés de deux à trois professeurs) ont bénéficié du projet, issus des lycées professionnels Bugatti d’Illzach et Roosevelt de Mulhouse, une classe de 3e du collège de Bourtzwiller de Mulhouse. Ont participé, huit ministres des cultes représentant de cinq courants religieux (juif, catholique, protestant, musulman, bouddhiste), des bénévoles associatifs qui œuvrent pour le vivre ensemble et la lutte contre le racisme, des professionnels d’entreprises. Les élèves ont été préparés par les professeurs, ils ont aussi répondu à un questionnaire pour évaluer leurs connaissances en matière de laïcité.
Quatre volets
La semaine s’est déroulée en quatre temps : rencontre au sein des établissements scolaires avec des représentants des différents cultes pour évoquer les points communs et différences ; « rallye intercultuel » permettant aux élèves de découvrir l’intérieur d’une synagogue, mosquée, église catholique, temple protestant, pagode ; ateliers autour du « vivre ensemble » ; « forum de la laïcité ».
Fort intérêt des élèves
Constat de Nora Makhloufi, professeure au lycée Bugatti et « référente laïcité » qui a été cheville ouvrière de cette semaine : l’intérêt fort des élèves pour le sujet. « Ils ont posé beaucoup de questions, ils ont été impressionnés, émerveillés, étonnés même, par l’architecture de bâtiments très imposants, la charge ornementale de l’église Sainte-Marie, la sobriété du temple Saint-Jean, la luminosité de la mosquée An-Nour, le rituel d’ôter ses chaussures à la pagode… C’était une journée vraiment très enrichissante. »
Enthousiasme des représentants des cultes
Le rabbin Note Levintov a salué « un projet très bien organisé. Les élèves étaient très sages et ont posé beaucoup de questions ». L’imam M’Barek Guerdam, engagé de longue date dans le dialogue interreligieux à Mulhouse, souligne le chemin parcouru. « À la fin des années 90, ce n’était pas évident dans ma communauté. On me demandait, est-ce qu’on a le droit d’entrer dans une église ? Ces questions sont aujourd’hui lointaines. » Évoquant le travail au sein du Gaic (Groupe d’amitié islamo-chrétienne) ou le calendrier interreligieux de Mulhouse créé en 2005 « qui sert d’outil pédagogique », il constate « plus de respect, moins de provocation, des échanges constructifs. Cette semaine est venue approfondir ce travail auprès de citoyens de demain de connaissance de l’autre, de l’altérité ».
Le prêtre Hervé Paradis-Murat se réjouit de l’approche. « La compréhension de la laïcité est souvent étriquée. Les croyants sont des citoyens comme les autres. Régis Debray parle de la nécessité de passer d’une laïcité de l’ignorance à une laïcité de la compréhension et de l’intelligence. Cette semaine y contribue. » Le pasteur Francis Muller rappelle que « la laïcité a été et reste toujours un élément important du protestantisme » et que les protestants ont été des acteurs de la loi 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. « Cette semaine est à renouveler et à perpétuer. »
Dissonance
La seule petite note dissonante à ce concert de louanges a été celle de Philippe Duffau, délégué départemental de l’Éducation nationale et partie prenante aux ateliers autour du vivre-ensemble qui déplore l’absence, lors de cette semaine dédiée à la laïcité, de personnes athées ou agnostiques. « La spiritualité n’est pas la chasse gardée des religions. » Qui sait, pour la prochaine édition, les organisateurs frapperont peut-être à la porte d’une loge maçonnique pour enrichir le débat !
Ce qu’ils répondent…
Interrogés avant et après cette semaine d’immersion dédiée à la laïcité, petit tour d’horizon des élèves pour mesurer l’évolution de leur perception :
Qu’est-ce que la laïcité permet ?
- Porter des accessoires qui montrent ma religion : 27 % avant, 28 % après.
- Vivre avec des personnes d’autres origines et d’autres religions : 82 % avant, 89 % après.
- S’habiller comme je le souhaite : 68 % avant, 70 % après.
- Caricaturer les personnes athées : 7 % avant, 13 % après.
- De pouvoir trouver un travail, peu importe ma religion : 77 % avant, 78 % après.
- De parler d’un fait religieux : 35 % avant, 48 % après.
- De caricaturer une religion : 12 % avant, 48 % après.
Qu’est-ce que la laïcité t’interdit ?
- De porter des vêtements ou accessoires qui montrent mon appartenance : 40 % avant, 70 % après.
- De choisir ce que je mange en fonction de mes croyances : 40 % avant, 20 % après.
- De dénigrer des camarades en raison de leur orientation sexuelle : 33 % avant, 46 % après.
- D’encourager mes camarades à se convertir à une religion : 43 % avant, 70 % après…
Article de l'Alsace par Par Frédérique MEICHLER - Aujourd'hui à 06:03 - Temps de lecture : 4 min l'Alsace